Les émotions (épisode 2)
29/05/2022
Photo by Oliver Sjöström on Pexels.com
3. Un affect, plaisant ou déplaisant
La peur c’est moche, la joie c’est cool.
Hum.
Vous avez peut-être des ambitions dans la vie, des Valeurs, quelque chose qui guide vos comportements mais depuis toujours, le guide de chaque organisme se résume à : refaire ce qui fait plaisir et éviter ce qui fait bobo.
Allez vers le plaisir (globalement bon pour la survie), fuir ce qui est déplaisant (globalement pas cool en termes de longévité).
C’est un peu comme une étiquette automatiquement déposée par notre cerveau sur tout ce qui nous entoure pour nous aider à faire les « bons » choix mais également sur les éléments de notre vie intérieure.
Les émotions sont donc accompagnées d’un petit hashtag biologique (déplaisant/plaisant) qui facilite la mémorisation de ce qu’il convient de rechercher et d’éviter.
Pour nos ancêtres, c’était brillant. « Les situations qui déclenchent la peur sont à éviter ». Pas parce que notre ancêtre se serait posé sur un rocher pour réfléchir aux conséquences potentielles mais juste parce que ce n’était pas agréable. Beurk. Pas bon. Pas envie.
Nous verrons prochainement qu’il serait peut-être souhaitable de prendre un peu de distance avec ce système d’étiquetage et de guide de comportements. Tout est question de contexte et là, 30 000 ans plus tard, il faut peut-être penser à mettre à jour le logiciel.
4. Des pensées associées
Pour des animaux capables de penser, préchauffer le corps, c’est bien, mais préchauffer le contenu du cerveau en rapport avec l’émotion, c’est encore mieux. Ça peut vous aider à vous souvenir de situations semblables dans le passé ou de tout autre chose liées à l’émotion.
Bon, avouons le, ça partait d’un bon sentiment. C’est sensé être pratique mais dans la vie de tous les jours, c’est un peu relou. Quand vous êtes en colère contre quelqu’un, ce n’est pas la peine de remettre sur la table tout ce qui n’a pas été digéré par le passé. Quand vous êtes tristes, ne pa se souvenir ou ne pas être attentif dans l’environnement qu’aux choses tristes, ça n’aide pas trop. De même, quand vous êtes anxieux considérer tout comme une menace n’est pas très constructif (de nos jours).
5. Une expression du visage
« L’homme est un animal social. »
Nous avons vécu longtemps et nous vivons toujours en groupes (il y en a juste plus de nos jours, et les tailles sont parfois sans commune mesure). La survie pour le groupe repose sur une communication efficace : la moins ambiguë et la plus rapide. Si quelqu’un regarde derrière vous, voit une menace et se fige, vous allez immédiatement comprendre qu’il serait bon de vous méfier. L’émotion a une fonction de communication instantanée (pas besoin de bac+10).
Pour les curieux, c’est en réalité un petit tour de passe-passe de l’évolution. Les expressions des émotions sont déjà des comportements suggérés.
- Un visage effrayé (terrifié) présente des yeux grands ouverts pour ouvrir au maximum le champ visuel, la bouche est ouverte (respiration moins bruyante que par le nez qui permet d’être attentif aux bruits éventuels du prédateur)
- Un visage en colère ou agressif : nous l’avons vu plus haut
Ces expressions « utiles » en soi sont ensuite devenus un moyen de communication.
Conclusion : les émotions ne sont pas vos ennemies. Elles ont permis à la longue lignée de vos ancêtres de survivre pour que vous soyez ici aujourd’hui. Elles sont juste un peu datées (un peu comme les pattes d’eph) et nécessite de prendre un peu de distance avec elles (ne pas forcément suivre leurs suggestions) et d’être créatif pour trouver une autre voie, une autre manière de répondre.
Petit bonus avant de nous quitter et que nous développerons une autre fois, elles peuvent même être une source précieuse d’informations concernant vos besoins fondamentaux.
Les émotions (1er épisode)
21/05/2022
Allez, c’est interactif, aujourd’hui. A quoi servent les émotions ?
J’entends « à rien » sur ma gauche, « à me pourrir ma vie » la vie au fond à droite… Vous pouvez également penser que mère Nature avait déjà une dent contre vous il y a des millions d’années, en les créant – et notamment les émotions déplaisantes – attendant patiemment que vous veniez au monde pour vous gâcher l’existence. Ok, ça se tient. Un poil parano, mais ça se tient. J’accueille votre expérience sans jugement. 🙂
Bon et bien, croyez-moi ou non, mais ça s’appelle un avantage évolutif. Kesako ? Bin, les animaux qui s’en sont dotés mourraient moins que les autres et faisaient plus de bébés. Y compris l’homme. Pourquoi ? Essayez d’oublier tout ce que vous savez ou pensez savoir sur ce truc qui vous noue l’estomac et vous laisse en PLS à la moindre contrariété. Une émotion, c’est un peu comme un kit de survie. Une boite avec un éventail de solutions prêtes-à-l’emploi pour différentes circonstances de la vie de tous les jours (bon là il y a un astérisque mais on y reviendra plus loin). Elle prépare votre corps à l’action, vous suggère un comportement et vous transforme en panneau d’affichage pour vos semblables.
On détaille ? Une émotion, regroupe 5 éléments :
- Une préactivation du corps
C’est comme faire chauffer la voiture pendant que vous prenez votre café quand il fait -12° dehors. Ça vous permet de partir dès que vous êtes prêt. En pratique votre respiration s’accélère (davantage d’oxygène) et votre cerveau fait secréter du cortisol, une hormone qui relâche du sucre stocké dans votre foie. Les deux permettent de produire l’énergie nécessaire au comportement qui va suivre (un beau sprint ou un fight digne des cages octogonales). Votre cœur s’accélère et votre tension augmente accélérant le débit sanguin pour livrer cet oxygène et ce sucre à vos cellules. L’adrénaline inonde votre corps facilitant les contractions musculaires. Elle les facilite tellement que même sans bouger, de micromouvements surviennent : les tremblements. Pour comprendre les boyaux qui se tordent et les mains humides il va falloir faire un saut dans le temps. Mais sans vous spoiler, les mains moites n’ont rien à voir avec la température de votre corps, ce ne sont d’ailleurs même pas les mêmes glandes. Alors, Vous avez beau être un humain du 21ème siècle le kit de survie que vous trimballez n’est pas de première jeunesse. Il est, dans ses grandes lignes et pour des émotions primaires comme la colère et la peur, assez similaire à vos ancêtres quand ceux-ci ressemblaient à de petits singes de quelques dizaines de centimètres. En cas de menace (et là on ne parle pas de perdre le mot de passe de son abonnement Netflix) le salut venait du ciel. Alors non, pas de Dieu mais des branches. Grimper dans l’arbre ou s’enfuir de branche en branche a permis à vos arrière-arrière-arrière… brefs, vos ancêtres de survivre et d’arriver jusqu’à vous. Or le cuir des paumes des mains et de la plante des pieds des petits singes adhère moins aux branches lorsqu’il est sec. C’est lisse, ça glisse et ça pouvait vous couter la vie à l’époque. D’où la sélection des génies capables d’humidifier leurs mimines en cas de peur qui, adhérant mieux aux branches et lianes, s’en sortaient du coup bien mieux. Pour le dernier mystère, à savoir votre ventre qui fait des nœuds le lundi matin ou avant une réunion méga-importante allant jusqu’à courir aux toilettes pour vous alléger, et bien… et bien c’est exactement ça. Vous alléger. Certes en comparaison de votre poids actuel, la différence est minime mais si vous revenez aux petits singes de quelques centaines de grammes : plus léger = plus rapide = survie. Il y a une autre raison mais on s’en fiche ici.
Vous voilà donc au fait de tout ce qui se passe en quelques millisecondes dans votre corps en cas de peur par exemple. Et tout ça, ce préchauffage évolutionniste porte un nom : c’est le stress. Nous y reviendrons dans un prochain épisode.
2. Une suggestion d’actions à réaliser (fissa)
Votre corps étant chaud comme un sprinter sur ses starting blocks, l’évolution a patiemment sélectionné les petits génies qui en présence d’un prédateur n’allaient pas directement dans leur gueule mais dans la direction opposée (Si les autres ont réellement existé, on comprend qu’ils ne soient pas des masses aujourd’hui). Alors, le portefeuille de comportements est certes assez limité mais efficace. Prenons l’exemple d’une menace (genre un tigre à dents de sabre).
S’il est loin, vous tracez (dans la bonne direction, on est d ‘accord) et vous tentez de vous qualifier pour les JO d’athlétisme. Si le prédateur n’est pas très loin et pas trop près, vous jouez à un, deux, trois, soleil. Vous vous figez en espérant qu’il ne vous remarque pas. S’il est trop près il ne vous reste que deux options : soit vous le sentez bien, vous avez la confiance et vous vous jetez sur lui façon pit bull ; soit vous évaluez vos chances à quelque chose tout près de zéro et là, vous faites le mort. Littéralement. Vous tombez au sol et vous ne réagissez plus. C’est un truc de victime dans la jungle préhistorique : un prédateur ne mange pas un truc déjà mort. Il se méfie. Vous auriez pu mourir empoisonné et ça, il préfère éviter.
Remplacez « prédateur » par « menace » ou « votre boss en colère » et vous obtenez les suggestions de réponse à une situation d’aujourd’hui :
- je fuis,
- je me fige (en mode « ange pleureurs » pour ceux qui ont la réf)
- j’agresse (pas conseillé si c’est votre patron)
- je tombe dans les pommes
Il y a bien sûr d’autres émotions avec d’autres comportements suggérés. Ce n’est qu’un exemple.
Prenez l’émotion de colère (agression envers une menace), le comportement suggéré devient :
- Se faire intimidant (plus menaçant que tu ne l’es) : grandis-toi, par exemple en bombant le torse, parle fort, fais des gestes qui menace symboliquement (doigts pointés vers l’autre), montre tes crocs (rictus de colère), fronce les yeux (focus sur la menace)
- Agresser l’autre
- Symboliquement : menaces, insultes, dire des choses qui font mal, etc…
- Pas symboliquement : et tu vas en prison sans toucher 20 000
Ces réactions sont l’essentiel du kit de survie de votre arrière-arrière-arrière… bon, vous avez compris ; or si ces suggestions de solution vous apparaissent quasi immédiatement et spontanément, elles ne sont plus suffisantes de nos jours pour optimiser nos vies. Il existe d’autres façons de réagir ou plutôt de répondre à ces situations, comme on peut le voir pendant la formation MBSR (je dis ça je dis rien).
(A suivre…)
03/04/2022
« La méditation ? Ah oui, j’ai déjà essayé… C’est vraiment pas fait pour moi! »
L’autre jour, j’étais à un dîner et l’une des invités m’avoue, un peu dépitée : « A force de lire des articles qui vantent les bienfaits de la méditation, j’ai voulu essayer moi aussi. J’avais lu un truc sur internet et hop, me voilà assise en tailleur dans mon salon, mais… Le prends pas mal… Qu’est-ce que c’était chiant ! J’ai lutté, je me suis concentrée de toutes mes forces. Pour rien. J’étais tellement nulle : dès que je commençais à observer ma respiration, mon esprit s’évadait. C’était n’importe quoi. J’admire vraiment ceux qui peuvent faire ça mais j’imagine qu’il y a ceux qui sont capables de le faire et il y a les autres. Et clairement, c’est pas pour moi. »
Vous voulez que je vous dise un secret ? Elle a raison.
Non, non, ne comptez pas sur moi pour vous vendre du rêve. Lorsque vous commencerez à méditer ce sera chiant et vous serez nul(le). 🙂
Alors, dit de manière plus élégante, ce sera probablement très ennuyeux – vous mourrez d’envie de penser à autre chose qu’à la tâche pourtant hyper simple que vous allez vous fixer – et vous échouerez.
Et vous savez quoi ? C’est tout l’intérêt.
Ne partez pas en courant, je m’explique.
Vous devez d’abord savoir une chose sur votre cerveau, il est construit pour porter automatiquement son attention sur des trucs (dans les articles, on parle de stimuli) qui possèdent certaines caractéristiques :
- A un niveau très basique : n’importe quoi qui apparait soudainement, c’est-à-dire de nouveau (dès que quelque chose persiste ou revient régulièrement, l’attention se lasse et part sur autre chose) d’autant plus si c’est lumineux, clignotant et que ça fait du bruit (Si ça vous fait penser à vos notifications de smartphone, c’est pas une coïncidence. Le but étant de capter votre attention.)
- A un niveau plus élevé : n’importe quoi d’ « intéressant », c’est-à-dire évoquant en nous une émotion (par exemple un visage triste ou en colère au milieu d’une foule) ou en rapport avec le contenu de nos pensées (vous pensez sérieusement acheter un modèle précis de voiture et vous commencez à la voir partout)
Tout cela a été forgé au cours des millions d’années précédentes dans le but de faciliter notre survie et voilà que, tout d’un coup, vous vous mettez en tête (littéralement) de vous concentrer sur votre respiration ? A savoir un non-évènement ennuyeux au possible pour votre attention spontanée : un processus qui change très peu, régulier, sans enjeu émotionnel… Pas étonnant que vous vous mettiez à penser à faire le plein de votre voiture ou à appeler votre meilleure amie ou encore à ce que vous cuisinerez pour le diner.
Mais c’est là que ça devient intéressant. Soudainement, vous entrainez votre attention à se diriger non pas là où elle le souhaite mais là où vous l’avez décidé. Et pas qu’une fois. De manière répétitive et appliquée, vous « musclez » cette nouvelle capacité à chaque méditation.
Quel intérêt dans la « vraie vie » ? Au moins deux.
Vous vous rappelez la dernière fois où vous avez ruminé des heures (une mauvaise remarque de votre patron, une parole malheureuse que vous avez regrettée, etc…) ? Reprendre les rênes de son attention permet de ne pas se laisser embarquer dans des pensées qu’on n’a pas choisies.
Cela permet aussi de pouvoir rester concentré dans son travail (ou autre chose) en milieu bruyant par exemple ou pleine de sollicitations.
Ne rêvez pas, il est impossible de contrôler parfaitement son attention (et c’est tant mieux si vous traversez la route, perdu(e) dans vos pensées) mais il y a une différence énorme entre votre attention qui s’égare 1/10e de seconde et qui revient bien sagement sans vous faire perdre le fil de votre concentration et celle qui s’enfuit comme un cheval au galop et qui vous laisse en rase campagne 20 minutes plus tard.
Donc, au final, oui c’est répétitif, oui c’est chiant, oui c’est inutile sur le coup et oui vous échouerez au début.
Mais c’est aussi répétitif, chiant, difficile et sans intérêt que de soulever une haltère sur 25 cm de haut, 12 fois, répétés 4 fois, tous les jours. Sauf que ça vous permet de développer progressivement votre force pour en faire ce que vous voulez « dans la vraie vie ».
C’est pareil pour la méditation. Comme je dis toujours : on ne médite pas pour être expert en méditation...
23/03/2022
« La Pleine Conscience, c’est pas un peu bizarre comme nom ? »
Même si à titre personnel, cette appellation n’est pas pour me déplaire, je peux comprendre que certains puissent être déroutés ou même que cela puisse parfois faire naître des préjugés. Ça ne fait pas très scientifique et on pourrait penser à tort qu’il s’agit d’un truc ésotérique. Après tout, lorsque vous avez du mal à lire les panneaux au loin, vous prenez rendez-vous chez votre ophtalmo pas chez un « spécialiste de la Pleine Vision »… Tout d’un coup, ça ferait bizarre, non ?
Il faut savoir qu’un des concepts de base dans le MBSR et donc la « Pleine Conscience » adaptée à la réduction du stress, est que nous fonctionnons une grande partie du temps en pilote automatique. Vous pouvez le vérifier tous les jours : combien de fois vous êtes-vous dit en vous garant devant chez vous « tiens, je suis déjà arrivé(e) ? » sans vraiment vous souvenir de la fin du trajet… » Et pourtant vous ne dormiez pas (enfin j’espère). Vous étiez éveillé(e)mais pas vraiment conscient(e) des détails du trajet, perdu(e) dans vos pensées. Et ce genre de situation se répète à longueur de journée.
Vous entamez une glace et tout d’un coup, vous vous retrouvez avec un bâtonnet de bois et le souvenir des quelques sensations du tout début. Dommage, quand même…
En fait, à chaque fois que votre cerveau sait ce qu’il doit faire (ou croit savoir) ; il vous « débranche » et vous laisse dériver vers le futur ou le passé. Il pense que vous n’avez pas besoin d’être pleinement attentif(ve) ni d’intervenir dans les choix à faire. « Laisse, je gère ! » pourrait-il vous dire. « Tu fais toujours de telle et telle manière, de toute façon, je peux répéter tes gestes et prendre les petites décisions de la même façon que tu les a prises par le passé. » Et vous vous retrouvez à enchainer des épisodes sur Netflix alors qu’à la base, vous souhaitiez juste faire une petite pause de 5 minutes sur le canapé avant de vous mettre à votre rapport hyper-important-urgent pour le travail.
Vous voyez, il est très facile de passer à côtés de sensations agréables (les ¾ de la glace) ou de faire par automatisme des choix déjà faits par le passé mais qui ne sont pas ceux qui vous sont le plus profitables (comme rester scotché(e) à Netflix et de bâcler votre rapport à la dernière minute, avant de vous coucher). La Pleine Conscience signifie donc reprendre les rênes de son cerveau – d’être « pleinement conscient » et davantage attentif aux sensations que nous éprouvons et aux choix que nous faisons. Il ne s’agit pas d’abandonner le pilote automatique mais de se réapproprier davantage de notre vie.
Alors, oui, le terme ne fait pas trop scientifique, alors même que les principes derrière ne cessent d’être confirmés par les neurosciences, mais à titre personnel, un peu de poésie, ça ne fait pas de mal, non ?